Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/256

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ainsi tous les trois. Ah ! quelle belle vie nous menions, ma petite âme de pigeon ! Il savait aussi danser à merveille et connaissait de magnifiques chansons, qu’il avait apprises des aveugles, car il n’y a pas de meilleurs bardes que les aveugles !

» Ils s’installèrent, ta mère et lui, dans une aile qui donnait sur la cour ; c’est là que tu es né, à midi précis ; tu arrivas juste à l’heure où ton père rentrait pour dîner. Ah ! qu’il a été heureux ! Il était comme enragé. Et sa femme, il l’a presque étouffée de caresses, le nigaud, comme si c’était bien difficile de mettre au monde un enfant. Je me souviens encore qu’il m’assit sur son épaule et me porta à travers toute la cour, pour aller annoncer à grand-père qu’il lui avait donné un petit-fils : « Ah ! tu es un vrai démon, Maxime ! » lui répliqua celui-ci en éclatant de rire.

» Tes oncles ne l’aimaient guère ; il ne buvait pas d’eau-de-vie et n’avait pas non plus sa langue dans sa poche ; et puis il prenait tellement plaisir à jouer toutes sortes de farces. On lui fit payer cher cette manie. Certain soir, pendant le grand carême, le vent s’étant mis à souffler, il y eut tout à coup dans toute la maison des sifflements et des hurlements terribles. Nous éprouvâmes une grande frayeur : était-ce une manifestation diabolique ? Grand-père, tout à fait retourné, ordonna d’allumer partout les lampes devant les icônes et déclara : « Il faut faire dire une messe ! » Soudain, l’étrange bruit cessa et nous eûmes encore plus peur. L’oncle Jacob assura : « C’est au moins Maxime qui aura manigancé tout ça ! » Et, en effet, ton père, quelque temps plus tard,