Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/260

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n’étaient pas encore rentrés ; ils rôdaient de cabaret en cabaret pour la honte de leurs parents. Ta mère et moi, nous regardions Maxime ; il n’avait pas son air habituel ; son visage était violacé ; ses doigts broyés saignaient ; il semblait avoir de la neige sur les tempes ; mais cette neige ne fondit jamais ; c’étaient ses cheveux qui avaient blanchi de chaque côté de son front !

» Varioucha, affolée, se met à crier : « Que t’est-il arrivé ? » Le commissaire nous interroge, essayant de nous tirer les vers du nez, et mon cœur pressent qu’il s’est passé quelque chose d’abominable. Je dis à ta mère de s’occuper du commissaire et, à voix basse, je questionne Maxime. Il me chuchote : « Tâchez de voir Jacob et Mikhaïl dès qu’ils reviendront ; expliquez-leur qu’ils doivent dire qu’ils m’ont quitté à la rue des Postillons, et qu’ils sont allés jusqu’à Pokrovky tandis que je prenais la ruelle des Fileurs. Ne vous trompez pas, sinon nous aurons des histoires avec la police ! » Je vais vers grand-père et je lui dis : « Va-t’en vers le commissaire, tiens-lui compagnie, pendant que j’attendrai nos garçons à la porte cochère ! » et je lui raconte ce qui s’est passé. Il s’habille en tremblant et il murmure : « Je le savais bien ! Je m’y attendais ! » Ce n’était pas vrai, il ne savait rien ! Je reçus mes enfants en les giflant l’un et l’autre ; Mikhaïl eut si peur que son ivresse se dissipa du coup : Jacob, lui, le brave garçon, soûl comme une grive, trouva moyen de grommeler : « Je ne sais rien de rien, c’est Mikhaïl qui a tout fait, il est l’aîné ! » Nous avons tranquillisé tant bien que mal le commissaire de police qui était