Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/259

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grand’mère, en humant sa prise. Ils sont bêtes et voilà tout ! Mikhaïl est rusé, mais bête ; Jacob, lui, n’est qu’un benêt… Ils le poussèrent donc à l’eau, mais il revint à la surface et s’agrippa au bord du trou. C’est alors que les autres, pour lui faire lâcher prise, se mirent à lui donner des coups de talon sur les doigts. Par bonheur, ton père n’était pas ivre, tandis que ses compagnons avaient bu ; avec l’aide de Dieu, il se maintint en nageant sous la glace, ne laissant sortir de l’eau que sa tête qui émergeait juste au milieu de la percée. Il était hors d’atteinte de leurs coups. Pendant un moment, les trois autres lui lancèrent des morceaux de glace, puis ils se lassèrent et finirent par s’en aller, se disant qu’il se noierait bien tout seul. Heureusement, il n’en fut pas ainsi. Maxime parvint à sortir de l’eau et courut aussi vite qu’il put au poste de police, tu sais, au poste qui est là sur la grand’place. Le commissaire, qui le connaissait, comme toute la famille, lui demanda ce qui lui était arrivé.

Grand’mère se signa et s’écria avec gratitude :

— Que le Seigneur donne la paix à Maxime et le mette au nombre des justes ; il en est digne ! Car il n’a rien raconté au commissaire : « J’avais bu un coup de trop et, en me promenant sur l’étang, je suis tombé dans un trou ! » a-t-il dit. « Ce n’est pas vrai, tu n’es pas buveur ! » a répondu le commissaire. Bref, on le frictionna avec de l’alcool, on lui donna des vêtements secs, on l’enveloppa dans une pelisse de peau de mouton et on le ramena à la maison ; ce fut le commissaire lui-même qui l’escorta avec deux autres hommes. Jacob et Mikhaïl, eux,