Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/266

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— Il faut lui faire boire une infusion de feuilles de framboises, et l’envelopper complètement.

Son chapeau, sa robe, sa figure et la verrue qu’elle avait sous le menton, tout était vert ; et je crois bien que les poils qui poussaient sur sa verrue avaient aussi la couleur de l’herbe. Elle laissait pendre sa lèvre inférieure et retroussait l’autre ; elle me regardait de ses dents vertes, car elle dissimulait ses yeux sous sa main gantée d’une mitaine en dentelle noire.

— Qui est-ce ? demandai-je, intimidé. Grand-père répondit d’une voix déplaisante :

— C’est encore une grand’mère pour toi…

Ma mère sourit et poussa Evguény Maximof vers moi :

— Et voilà ton père…

Elle prononça ensuite et précipitamment des paroles que je ne compris pas, tandis que Maximof, plissant les paupières, se penchait vers moi et me disait :

— Je te donnerai une boîte de couleurs…

La chambre était très éclairée ; dans un coin sur une table, brûlaient deux candélabres d’argent à cinq branches entre lesquels on avait placé l’icône préférée de grand-père : « Ne me pleure pas, Mère. » Les gemmes du cadre en métal rutilaient à la clarté des bougies et, parmi l’or des auréoles, les améthystes rayonnaient. Des nez épatés, des faces rondes, vagues, plates comme des beignets se collaient, silencieuses, contre les vitres sombres des fenêtres qui donnaient sur la rue. Tout ce qui m’entourait semblait filer à la dérive, je ne savais où, et la vieille femme verte, me tâtant l’oreille de ses doigts froids, s’obstinait à répéter :