Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/311

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Viakhir se tape sur le genou en cadence et il imite sa mère d’une voix fluette :

Toc-toc-toc, oh ! Le jeune berger,
Frappe à la fenêtre et nous allons sur le pas de la porte !
Toc-toc-toc, le berger frappe ; à la tombée de la nuit,
Il joue du chalumeau ; tout fait silence au village.

Viakhir savait un grand nombre de ces rengaines et il les débitait avec beaucoup d’art.

— Oui, continue-t-il, elle s’est endormie, là, sur le seuil, et la cuisine s’est toute refroidie ; je tremblais de tout mon corps ; j’ai failli être gelé car je n’avais pas la force de la traîner dans la maison. Aussi, ce matin, lui ai-je demandé : « Pourquoi te soûles-tu pareillement ? » Elle m’a répondu : « Patiente encore quelque temps, je mourrai bientôt. »

Tchourka confirme gravement :

— Oui, elle mourra bientôt ; elle est déjà toute bouffie…

— Auras-tu du chagrin ? m’informai-je.

— Mais bien sûr ! réplique Viakhir étonné. Elle est très bonne…

Nous savions tous que la Mordouane battait son fils sans rime ni raison et pourtant nous ne doutions pas qu’elle fût bonne ; parfois même, les jours où la chance ne nous avait pas souri, Tchourka proposait :

— Donnons chacun un copeck pour que Viakhir achète de l’eau-de-vie à sa mère, sinon elle cognera !

De toute la troupe, seuls Tchourka et moi savions lire et écrire ; Viakhir nous enviait profondément et de temps à autre il roucoulait en tiraillant son oreille pointue de souris :