Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/39

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et appeler grand-père, mais je le suppliai de rester.

En souriant, il renvoyait les importuns :

— Attendez un instant.

Jusqu’à la tombée de la nuit il me raconta des histoires ; lorsque après une dernière caresse affectueuse il s’en alla, je savais que grand-père n’était ni méchant ni terrible, mais j’avais beaucoup de chagrin. J’aurais voulu perdre tout souvenir de ce qui s’était passé, et pourtant il ne m’était pas possible d’oublier que c’était lui qui m’avait si cruellement fouetté.

La visite du grand-père ouvrit toute grande la porte de ma chambre. Du matin au soir, quelqu’un se tint en permanence à mon chevet pour essayer de me distraire, et je me rappelle que ce ne fut pas toujours gai ni amusant. Grand’mère venait me voir plus souvent que les autres, nous dormions même tous deux dans le même lit. Mais l’impression la plus vive que j’aie conservée de ces jours-là, ce fut Tziganok qui me la fit ressentir. Large d’épaules, massif, la tête très grosse et rebondie, il vint au cours de la soirée me rendre visite, vêtu d’une blouse de soie dorée, de pantalons en peluche et chaussé de bottes grinçantes et toutes plissées. Ses cheveux brillaient ; ses yeux joyeux et luisants louchaient sous d’épais sourcils ; dans l’ombre d’une petite moustache noire, ses dents étincelaient et sa blouse qui flamboyait reflétait délicatement la flamme rouge de la sempiternelle petite lampe.

— Regarde donc ! s’écria-t-il, et, relevant sa manche jusqu’au coude, il me montra son bras nu où se voyaient des taches rouges. Crois-tu que cela