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vainc de sa radicale impuissance, et condamne la spéculation philosophique.

Voilà donc le déisme et le pyrrhonisme détruits l’un et l’autre le premier par le second, le second par la nature. « La nature confond les pyrrhoniens, et la raison confond les dogmatiques. » (VIII, 1). On se rappelle ici malgré soi ces paroles qui terminent le beau parallèle que Pascal fait, dans son entretien avec de Saci, entre les deux systèmes philosophiques représentés par Epictète et par Montaigne : « l’un établissant la certitude et l’autre le doute, l’un la grandeur de l’homme et l’autre sa faiblesse, ils ruinent la vérité aussi bien que la fausseté l’un de l’autre. De sorte qu’ils ne peuvent subsister seuls à cause de leurs défauts, ni s’unir à cause de leurs oppositions, et qu’ainsi, ils se brisent et s’anéantissent pour faire place à la vérité de l’Evangile. » (Havet I, cxxxiv.) Si c’est à ce résultat que nous conduit la philosophie, vraiment « toute la philosophie ne vaut pas une heure de peine » (XXIV, 100 bis), et « se moquer de la philosophie, c’est vraiment philosopher » (VII, 34).

Dans le même sens, au nom de la morale supérieure, qu’il appelle morale du jugement, il se moque de la morale naturelle, que nous appellerions de nos jours morale indépendante. (VII, 31).

Indépendante de Dieu, la morale naturelle l’est en effet, et plus peut-être qu’on ne le voudrait, puisque Dieu manque si absolument à l’homme. Mais alors, où prend- elle son point d’appui ? Dans l’homme seulement, et dans la société des hommes, sur les principes naturels ; elle ne saurait avoir d’autre base que celle-là. Mais, déclare nettement Pascal, « la vraie nature étant perdue, tout devient