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mence avec Descartes, le philosophe spiritualiste par excellence, à qui cependant Pascal a pu reprocher d’avoir éliminé Dieu de son système, elle finit par Hegel, en passant par Spinoza[1].

Et si c’est là la fin fatale de l’évolution du déisme, c’est parce qu’il a à son origine ce vice rédhibitoire que nous venons de signaler. Et toutes ses faiblesses ont pour cause première cette première faiblesse. Sa religion naturelle se perd dans un nuageux intellectualisme et aboutit à la destruction de l’idée religieuse elle-même. On se demande comment Dieu peut exercer dans le monde sa souveraine Providence, s’il est si absolument enfermé dans ses lois immuables. — Sa morale indépendante s’est rendue tellement indépendante en effet de tout principe supérieur, et tellement dépendante des conditions de l’ordre contingent, qu’elle a dégénéré en un grossier utilitarisme. Elle cherche vainement sa sanction. L’idée de justice distributive finale y manque absolument : car si Dieu est tellement au-dessus de l’espace et du temps,

  1. « Dieu n’intervenant plus qu’à titre d’auteur de ces lois, qu’il a statuées une fois pour toutes dès l’éternité, il se retire tellement, qu’on est tenté de l’effacer tout à fait et de ne plus voir que les lois. Et, en effet, que Dieu soit ou ne soit pas, il n’importe, pourvu que les lois de l’expérience subsistent. » Ch. Secrétan, La raison et le christianisme. »

    « Le résultat auquel est arrivé la philosophie dans ces derniers temps est qu’il n’existe pas d’autre véritable philosophie que le panthéisme idéaliste…

    Ce fut Descartes qui plaça sous la main de Spinoza tous les matériaux dont celui-ci construisit le système panthéiste le plus complet, le plus conséquent et le plus clair qui eût existé jusqu’alors. » A. Tholuck, « Guido et Julius. » — Trad. Neuchâtel, 1840, p. 182 et 198.

    « Le spinozisme, disait Leibniz, n’est qu’un cartésianisme développé, immodéré. » Nourrisson, « Tableau des progrès de la pensée humaine », p. 492, quatrième édition.