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La science ne devient un adversaire pour le christianisme que lorsqu’elle tente de sortir de ses domaines ; et, d’autre part, celui-ci perd tous les avantages qu’il peut avoir sur elle et remporter par elle, lorsqu’il abandonne le sien propre. C’est donc un des objets capitaux de l’apologie de recommander et de maintenir ces conditions d’indépendance, de séparation absolues et de mutuel respect.

Il est vrai qu’en fait, ces conditions ont toujours été méconnues et le sont plus encore aujourd’hui que jamais. Ce n’est pas le fait du christianisme. Le christianisme est rentré prudemment dans son terrain ; et s’il conserve encore quelques velléités de trancher des questions scientifiques, sous prétexte qu’elles confinent au dogme, elle les abandonne prudemment à chaque nouveau démenti que lui inllige la science.

Mais, par contre, celle-ci prend sa revanche et veut faire expier au christianisme ses anciens empiétements : il n’est pas rare de voir la science quitter le terrain solide des recherches expérimentales, pour se lancer en pleine spéculation philosophique, et cela dans des desseins de polémique. Qui dira tous les pauvres chiens qu’on a disséqués vivants en vue de découvrir le nœud subtil qui lie la vie intellectuelle à la vie physique, ou plutôt pour démontrer que la vie intellectuelle et morale n’est qu’une fonction physiologique et un mode de la vie physique ? Qui racontera les expériences qu’on a faites dans des tubes vides, pour démontrer que la vie peut naître du néant et pour éliminer ainsi, de l’origine des choses et des êtres, l’acte créateur ? Dès lors, la science, quand elle obéit à des préoccupations de cet ordre, perd toutes ses immunités ; et l’apologie ne lui doit plus le même respect