Page:Gory - Des Pensées de Pascal considérées comme apologie du christianisme, 1883.djvu/89

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 87 —

La science, en effet, répond à deux besoins de l’esprit et de l’âme : un besoin de certitude positive, et un besoin de progrès infini. Mais elle les éveille et les stimule plutôt qu’elle ne les satisfait : elle ne prétend même pas les satisfaire entièrement. Elle ne se paie pas de vaines espérances ; le certain seul peut la satisfaire ; et, quand elle l’a atteint et saisi dans un domaine et à un degré quelconques, elle ne s’arrête pas, assouvie ou lassée ; elle repart avec une ardeur nouvelle et animée de nouveaux besoins, et ainsi, toujours, d’une course sans fin. Mais c’est là aussi le propre de la religion, du christianisme en particulier : ces profonds et impérissables besoins de certitude et d’infini relèvent bien plus de l’ordre moral et religieux que de l’ordre intellectuel, et sont bien plus le fait du christianisme que de la science. Il y a cette différence en faveur du christianisme, qu’il professe de pouvoir satisfaire entièrement ces besoins que la science ne peut que stimuler.

Or, il est aisé de voir quel parti l’apologie peut tirer de ce fait trop peu remarqué. En vérité, la science, aussi bien par les énergies qu’elle met en jeu au fond de l’âme, que par les besoins qu’elle aiguillonne, que par les merveilles qu’elle accomplit, est une des choses les plus propres à disposer les âmes aux impressions religieuses, et à préparer par conséquent la voie au christianisme. Car plus elle élève l’esprit dans l’immense sphère du monde fini, où elle se trouve invinciblement enfermée, vers cette circonférence toujours fuyante qui forme les frontières du monde infini, plus aussi elle allume dans l’âme le besoin et le désir de s’élancer, d’un puissant coup d’aile, au-delà de ces frontières, dans les espaces éternelles ; et le christianisme survient, qui prête à l’âme ses ailes immenses et infiniment puissantes.