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Page:Gosset - Histoire du Moyen-Âge, 1876.djvu/252

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HISTOIRE DU MOYEN-ÂGE

Born, Richard Cœur de Lion lui-même ; par eux se perpétuait l’idiome roman, premier élément du français et des langues de l’Europe méridionale. C’est aussi dans le Midi que prirent naissance ces cours d’amour qui devaient exercer une si sérieuse influence du XIIe au XIVe siècle : elles réunissaient sous la présidence des dames, des poëtes, des chevaliers, des ménestrels, tous les adeptes de la « gaie science ; » elles firent fleurir cette littérature à la fois dévote, galante et guerrière qui convenait bien à une société chrétienne et chevaleresque. Le code des cours d’amour liber de arte amatorià et reprobatione amoris fut rédigé en 1170 par André, chapelain de Louis VII.

Si les troubadours et les jongleurs illustrent la langue d’oc, les chantres du Nord, bardes ou trouvères, dans une langue moins harmonieuse et moins châtiée, donnent à la poésie française proprement dite ses premiers monuments. Robert ou Richard Wace, né à Jersey, et qui mourut chanoine de Bayeux (1174), compose en vers de huit syllabes une histoire chevaleresque de la grande Bretagne, le Roman du Brut ou Brutus, et consacre son Roman de Rou ou Rollon à l’histoire des ducs normands depuis Rollon jusqu’à Henri Plantagenet. Chrestiens de Troyes, qui périt au siége de Ptolémaïs en 1195, l’un des plus féconds parmi les conteurs du XIIe siècle, célèbre les héros de la Table-Ronde dans des œuvres dont les idées raffinées et les longueurs descriptives dissimulent imparfaitement la sauvage énergie du monde féodal. Les passions sont ardentes comme les convictions et, sous une courtoisie toute de surface, subsiste la rudesse germanique ; elle va s’exalter dans une lutte impitoyable : les peuples de la langue d’oil vont noyer dans le sang les arts, la littérature et l’hérésie des voluptueuses cités du Languedoc et de la Provence.