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HISTOIRE DU MOYEN-ÂGE

Vers la même époque, les chrétiens de la Palestine furent exposés à de nouveaux périls. Le sultan que s’étaient donné les Mameluks d’Égypte Bibars-Bondokar, après avoir repoussé une invasion de Mongols en Syrie, s’était emparé de Cesarée, Arzuf, Saphet, Jaffa et Antioche (1265-1268). Dans cette dernière ville dix-sept mille chrétiens avaient été massacrés et plus de cent mille vendus comme esclaves. Au récit de ce désastre, saint Louis fit vœu de se croiser une seconde fois. Il confia l’administration du royaume à Matthieu, abbé de Saint-Denys et au comte de Nesles, se rendit en pélerinage dans les principales églises de France et résolut de commencer l’expédition par l’attaque de Tunis, dont la conquête devait à la fois lui ouvrir le chemin de l’Égypte et lui permettre de rendre les côtes d’Afrique tributaires de son frère Charles d’Anjou, à qui il donna rendez-vous devant l’ancienne Carthage. Il s’embarqua à Aigues-Mortes, le 1er juillet 1270, accompagné des comtes de Poitiers, de Toulouse, d’Artois, de Vendôme, de la Marche, de Saint-Pol, de Soissons, de Thibaut II, roi de Navarre, d’Édouard d’Angleterre, fils aîné de Henry III, de Jean de Bretagne et d’une foule de seigneurs illustres.

L’ami et l’historien de Louis IX, le sire de Joinville, sénéchal de Champagne, refusa de faire partie de cette entreprise, qu’il estimait condamnée d’avance. Les croisés s’emparèrent de Carthage, dont il ne restait qu’un château fortifié, et allèrent mettre le siége devant Tunis. Sans abris sur une plage déserte, ils éprouvèrent bientôt tous les maux du climat africain : manque d’eau, chaleur intolérable, nourriture corrompue. La peste fit dans leurs rangs des ravages terribles, et le roi lui-même en fut atteint. Au bout de vingt-deux jours d’affreuses souffrances, sentant sa fin prochaine, il se fit étendre sur un lit de cendre, et, les bras en croix, adressa à son fils Philippe ces belles instructions pleines de simplicité, d’équité et de grandeur : « Aime ton honneur et hais le mal, quelque part qu’il soit ; sois loyal et roide pour rendre la justice à tes sujets, sans tourner ni