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ont une valeur absolument égale en tant qu’ils reposent tous deux sur une supposition.

Il n’y a rien d’étonnant à ce que le passage manque aussi dans la seconde rédaction en vers. Car si l’auteur des deux rédactions en vers est le même[1], il a dû réaliser son impuissance à rendre le passage d’une manière intelligible et l’avoir par conséquent définitivement omis ; ou bien l’auteur de la seconde rédaction en vers n’est pas le même que celui de la première, et dans ce cas il n’a pas eu à se préoccuper d’un passage qui ne se trouvait pas dans son original.

III. L’original de la rédaction en prose a été écrit en Lorraine, tout comme celui de la rédaction en vers[2] : dans le texte de tous les principaux manuscrits nous trouvons des traces du dialecte lorrain, traces qui doivent être dues à l’auteur même, puisqu’elles se retrouvent dans les manuscrits dont le copiste emploie un dialecte différent.

IV. Enfin, la rédaction en prose est antérieure à la seconde rédaction complète, car il n’y est pas fait mention des voyages de l’auteur en Sicile et en Syrie.

En résumé, nous voyons que l’auteur de la rédaction en prose signe son ouvrage du même nom que celui de la première rédaction en vers, qu’il emploie le même dialecte, qu’il se sert des mêmes sources, qu’il complète même un chapitre par la traduction peu réussie d’un passage sans importance et obscur pour lui, et qu’enfin il ne fait aucune mention de voyages en Sicile et en Syrie, trait si frappant de la seconde rédaction complète.

Nous appuyant sur les faits précédents, nous pouvons, semble-t-il, admettre l’identité de l’auteur de la première rédaction en vers et de la rédaction en prose, et fixer la date de cette dernière à une époque entre 1246 et la composition de la seconde rédaction.

Il n’y a même aucun argument sérieux contre l’adoption de la date mentionnée dans tous les manuscrits en prose : 1245 (v. s.). La tâche de l’auteur n’aurait certes pas été impossible : Caxton qui a traduit l’Image en anglais nous informe qu’il a commencé son ouvrage le 2 janvier 1480 et qu’il l’a terminé le 8 mars de la même année[3]. Le dérimeur français n’a guère dû prendre plus longtemps à compléter sa tâche que le traducteur anglais. Ainsi notre auteur a aisément pu remanier son ouvrage entre le 6 janvier 1246 et la fin de cette même année.

Rédaction en prose et première rédaction en vers. (Leur étroite parenté.) — Sous un rapport surtout la rédaction en prose nous est pré-

  1. Cf. p. 14 s.
  2. V. plus haut p. 2.
  3. L’information de Caxton est intéressante, car, par elle, nous pouvons juger combien de travail un homme était capable de faire en un temps donné au moyen âge.