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entour, il n’est riens nulle en tout le monde qui se peüst mouvoir, ne qui en lui eüst nul sens, noient[1] plus que uns morz[2] qui riens ne sent [F° 106 a] ne ou il n’a ne sens ne mouvement, comme cil qui n’a point de vie. Et trestout en autretel point que chascunne[3] chose seroit a l’eure que li ciels lairoit son movoir[4], tout ainsi seroient que jamais[5] ne se mouvroient, tant que li ciels ravroit mouvement ; et lors reseroient autrement.

Mais qui lors porroit de ses sens user, et veoir qu’il seroit, moult porroit veoir de samblances et de diverses contenances es[6] autres genz qui ne [F° 106 b] se porroient remuer. Car s’il n’avoit mouvement el ciel, il n’est riens qui peüst vivre en terre. Car Diex ne le voudroit, qui tout[7] veult par droit establir.

Ainsi voult Diex, en cui[8] toutes vertuz habondent, fourmer le monde. Car il ne fist onques riens a cui il ne donnast sa vertu, tele comme il la devoit[9] avoir. Autrement eüst il faite aucune chose pour noient et sanz raison. Mais il ne le fist pas ainsi ; car il ne li failli nulle riens.

[F° 106 c] Il fist et crea[10] les estoiles, et donna a chascunne[11] sa vertu. Et qui ainsi ne le veult croire, en lui n’a memoire ne raison. Car nous vëons apertement que la lune prent lumiere quant nous la vëons toute plainne ; car li hons n’a lors ne membre ne vainne qui plus ne soit plainne d’umeurs[12] que quant[13] ele est en decours. Et ausi avient il de toutes bestes ; car il ont plus plainne la mouele[14] es testes. Neïs[15] la mer meïsmes s’en [F° 106 d] enfle et se desenfle a son decours, tant que ce vient el mois après. Dont cil qui sont près de la mer, quant il sevent[16] que la lune cloie estre plainne, si s’en vont en sus de la mer et enmainnent leur maisnies, et s’esloingnent[17] de leur manoir, et vont manoir en haut lieu, tant que la mer s’en voist[18] arrieres ; et font chascun mois autresi. Et tout ce[19] avient par la lune qui est une des ·vii· planetes.

Autresi voit l’en du [F° 107 a] souleill[20] que, quant il s’aprouche de ci, et il commence a monter, si fait porter fruit a la terre, et fait aparoir[21] fueilles, et toutes verdeurs[22] revenir ; et lors commencent[23] li oisiau leur chant por[24] la douceur du tans novel[25] ; et quant il prent a rabaissier[26], si nous fait commencier yver ; et fait faillir et fleurs[27][* 1] et fueilles, tant qu’il se prent a revenir arrieres.

  1. — B : neant.
  2. — B : mort.
  3. — B : chascune.
  4. — B : mouvoir.
  5. — B : jamès.
  6. — B : as.
  7. — L : toult.
  8. — B : qui.
  9. — B : doit.
  10. — B : cria.
  11. — B : chascun.
  12. — N et S : d’umeurs ; C : d’umeurz ; B : de humeurs ; A et B : de meurs.
  13. — A : que tant.
  14. — B : la moielle.
  15. — A : Ne.
  16. — B : seivent.
  17. — B : s’esloignent.
  18. — B : la mer se vait.
  19. — B : « ce » manque.
  20. — B : soleill.
  21. — B : apparoir.
  22. — B : fueilles et flours et toutes verdures.
  23. — A : comment.
  24. — B : pour.
  25. — B : nouvel.
  26. — B : rabessier.
  27. — A : fleuers.
  1. * « Fleuers » : cette forme est isolée dans le ms. A. Le scribe e’crit toujours « fleurs » (f° 25 d, passim). De plus, nous ne pouvons confirmer cette forme par d’autres textes. C’est le seul exemple dans A de l’insertion d’un e inorganique, commune en angln. (Cf. Suchier, St-Auban p. 31 ; Stimming, o. c. p. 481.)