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rains, tous deux messins, tous deux parlant la même langue[1] ! Pourtant il s’agit là d’un simple syllogisme, et, l’origine messine des deux rédactions en vers une fois admise, l’identité de langage et de pays doit logiquement suivre : elle n’a rien qui puisse nous étonner.

Est-il donc impossible que Gossouin ait été un de ces Jacobins pour qui il montre une si profonde admiration dans la première rédaction[2], et Gauthier un des moines noirs mentionnés dans la seconde rédaction, et dans l’abbaye desquels il a trouvé la légende de saint Brandan[3] ?

La question est compliquée et encore loin d’être résolue. Même le style des deux ouvrages ne nous aide aucunement : V. Le Clerc trouve celui de la seconde rédaction tout à fait inférieur ; Fant, au contraire, voit dans le remanieur un vrai poète[4] !

Langlois lui-même ne suggère rien de mieux, pour expliquer la mention de Gauthier dans un manuscrit de la seconde rédaction, qu’une erreur de copiste[5]. Nous ne voyons donc pas qu’il soit justifié à prendre à partie Suchier qui exprime des doutes sur l’identité de l’auteur et du remanieur de l’Image du Monde[6].

Bref, sans vouloir nier qu’il nous paraisse y avoir de fortes présomptions en faveur de Gauthier, un examen soigneux des preuves laisse la question de l’auteur de la seconde rédaction encore indécise[7].

Le titre. — Le manuscrit Phillipps auquel nous devons la mention de Gauthier est exceptionnel sous un autre rapport : il donne comme titre à l’encyclopédie le Mapemonde. François Buffereau, le plagiaire de Genève,

  1. Il semble suffisamment prouvé que l’auteur de la première rédaction était messin (cf. p. 2). Ce fait est encore mieux confirmé dans la seconde rédaction (y compris la rédaction intermédiaire), car nous y lisons à propos de Charlemagne (v. Fant, o. c p. 9, 10) :

    Et sout assez d’astronomie.
    Si come l’en trouve en sa Vie
    Qu’a Mez en Loherraine gist
    Dont cil fu que cest livre fist.

  2. Cf. p. 3 et f° 25 d du texte.
  3. A Saint Ernol, une abeïe
    De moines noirs, qu’est establie
    Droit devant Mez en Loherraine
    Trovai ceste histoire anciene. (V. Fant, o. c. p. 7.)

  4. Fant, o. c. p. 38.
  5. V. p. 14 n. 4.
  6. Langlois, o. c. p. 61 n. 2.
  7. Pour les partisans de Gauthier comme auteur de la seconde rédaction la dédicace du manuscrit Harley (v. p. 5 n. 1) s’explique aisément : Ils ont le choix entre deux arguments également valables : 1° Gauthier a fort bien pu dédier son ouvrage (i. e. la rédaction intermédiaire qui, complétée plus tard, devient la seconde rédaction) à deux personnages différents ; ou, 2°, reprenant la théorie de Langlois et faisant de la rédaction intermédiaire une troisième rédaction postérieure aux deux autres, Gauthier aurait dédié la seconde rédaction à Robert d’Artois, et la troisième à Jacques de Metz.