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Ch. XI. — Au chapitre cinq de la première partie[1], Gossouin a décrit Virgile le prophète. Il va maintenant nous parler de Virgile le magicien.

Chacun sait que le poète latin doit cette étrange réputation à la huitième églogue et à un passage de l’Enéide[2]. Les prodiges attribués à Virgile sont répétés de tous côtés au moyen âge, mais aucune des sources mentionnées ne paraît être l’original dont Gossouin a fait usage.

Un des miracles cités dans l’Image du Monde ne se retrouve nulle part tel que notre auteur nous le décrit : celui des deux cierges et de la lampe qui brûlent sans cesse, enfouis dans la terre.

Il est certain qu’une partie de la légende, celle qui se rapporte à la lampe, était déjà connue au moyen âge bien avant Gossouin ; les exemples suivants le prouvent : Dans le Roman de Troie de Benoist de Sainte-More[3], nous lisons (v. 16 751 seq) :

Oiez que firent li trei sage ;
Desor, devant chascune ymage,
Firent lampes d’or alumer ;
Onques nus hom nes vit fumer.
Tex est li feus, ja n’esteindra
Ne a nul jor ne desceistra ;
Si est fez et de tel nature
Que toz jorz art et toz jorz dure.

Guillaume de Malmesbury[4], dont l’ouvrage a peut-être servi de source à Benoit[5], écrit :

Epitaphium hujusmodi repertum :

  1. V. p. 32, 33.
  2. Enéide VI, 263 s.
  3. A. Joly : Benoit de Sainte-More et le Roman de Troie. Paris 1870-71. 2 vol. 4°. Vol. I p. 231 sq.
  4. W. Stubbs : Willelmi Malmesbiriensis monachi De Gestis Regum Anglorum (Londres, 1887, 2 vol. 8°.) Vol. I p. 259. « De corpore Pallantis filii Evandri. »
  5. V. A. Joly, o. c, passim. Selon Jacques Salverda de Grave (Enéas. Bibliotheca Normanica. Vol. IV. Halle, 1894, 8°, v. 6510 sq.), c’est l’Enéas qui a servi d’exemple à Benoit. Petit de Julleville (Histoire de la Littérature française, Paris, 1896, vol. I p. 220) voit au contraire dans l’Enéas un ouvrage postérieur au « Roman de Troie ». Voici d’ailleurs le passage de l’Enéas tel qu’il se trouve dans l’édition critique de Jacques Salverda de Grave (v. 6510 sq.) :

    Une lanpe ot desor pendue ;
    d’or esteit tote la chaeine,
    la lanpe fu de basme pleine ;
    ce fu merveillose richece,
    de beston en esteit la mece,
    d’une piere que l’en alume,
    tel nature a et tel costume :
    ja puis esteinte ne sera,
    ne nule feiz ne desfera.
    Li reis fîst la lanpe alumer,
    n’onc puis n’i estut recovrer.