Aller au contenu

Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nente artiste. Riche, elle n’avait encore trouvé que des sourires ; musicienne accomplie, elle avait soulevé des bravos, en exécutant soit les grandes œuvres des maîtres, soit des compositions ciselées par elle. Puis, de la musique à la poésie, son délicat esprit n’avait fait qu’un bond. Alors rue Chaptal d’abord, puis rues de Londres et de Turin, elle avait ouvert un salon où venait tout ce que Paris artiste, jeune et pimpant, comptait d’espérances. Enfin, rue des Moines, dans cet hôtel où je la vis, elle continuait d’ouvrir son hospitalière maison aux poètes lyriques, gais ou tristes, aux musiciens, aux peintres, aux épris d’art et de fantaisie, si enthousiaste elle-même et ravie par le cliquetis des rires et la sonorité des belles chansons. Époque étourdie et joyeuse ! où la mort elle-même, — la mort qui a déjà fait une large récolte dans le milieu dont je parle : Chatillon, Racot, Cabaner, Léon Valade, Léo Montancey, mon pauvre cher frère — la mort fut chansonnée par Nina, qui si tristement devait mourir, ayant perdu son rêve et son âme au fond de quelque puits noir. Voici le testament qu’elle écrivait en ce temps-là, si près encore et si lointain.