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TESTAMENT

Je ne veux pas que l’on m’enterre — Dans un cimetière triste ; — Je veux être dans une serre, — Et qu’il y vienne des artistes.

Il faut qu’Henri[1] me promette — De faire ma statue en marbre blanc, — Et que Charles[2] me jure sur sa tête — De la couvrir de diamants.

Les bas-reliefs seront en bronze doré. — Ils représenteront — Les trois Jeanne, puis Cléopâtre, — Et puis Aspasie et Ninon.

Qu’on chante ma messe à Notre-Dame, — Parce que c’est l’église d’Hugo ; — Que les draperies soient blanches comme des femmes, — Et qu’on y joue du piano.

Que cette messe soit faite par un jeune homme — Sans ouvrage et qui ait du talent. — Il me serait très agréable — Que de la chanteuse il fût l’amant.

Enfin que ce soit une petite fête — Dont parlent huit jours les chroniqueurs. — Sur terre, hélas ! puisque je m’embête, — Faut tâcher de m’amuser ailleurs.

C’était l’époque où à sa mère, Mme  Gaillard, si bonne sous son ironie, si charmante et telle qu’une aïeule du xviiie siècle, indulgente et spirituelle, elle adressait ce dizain comique et

  1. Le sculpteur Henri Cros.
  2. Le poète Charles Cros.