Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/131

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elle a dû en souffrir plus terriblement qu’elle ne voulait le dire : on raconte qu’elle en est morte, et que sa maladie a commencé après un article odieux écrit contre elle ; — je ne le crois pas — la fêlure devait exister auparavant ; sans cela, se serait-elle ainsi désespérée ? Bien portante et saine d’esprit, elle eût fait de la chose le cas qu’elle méritait — après une heure d’énervement, un profond oubli.

« Ç’a été une grande pitié pour tous et un immense chagrin pour ses amis que d’avoir assisté à l’assombrissement de cette intelligence si délicate et si élevée. La mort, qu’elle a appelée les mains jointes, les yeux remplis de larmes, avec des cris si déchirants et des révoltes si passionnées, est enfin arrivée. J’ai assez aimé et estimé Nina pour ne pas la plaindre d’être partie avant nous. — Nous n’étions pas bien nombreux autour de son cercueil — pas bien nombreux autour de la mère désolée… Si tous ceux qui leur doivent cependant avaient été là, l’assistance eût été considérable. On citait tout bas les plus ingrats parmi ceux qui sont devenus célèbres. Ils n’allaient plus chez elle, soit — mais ils lui devaient bien cette dernière visite.