Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/132

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« Là-bas, dans la sombre maison où elle était depuis deux jours, on a chaussé de bas de soie rose et de souliers de satin ses petits pieds — on l’a habillée, suivant sa dernière volonté, de sa robe japonaise, étoffe de satin brochée de fleurs brillantes, témoin des joies enfuies et d’un passé resté vivant dans son cerveau malade — on a croisé sur son sein ses mains de femme, de poète, de musicienne, — on a ramené sur son front ses épais cheveux noirs. La trace des dernières souffrances, des dernières luttes, du suprême désespoir, a disparu dans le calme de la mort ; Nina a retrouvé tout entière la beauté de sa jeunesse, celle qu’elle pleurait avec tant d’amertume et de si poignants regrets.

« Signé : Marie de Grandfort. »

La fin, en effet, de cette existence avait été aussi sombre que furent joyeuses les années où je vins m’asseoir à la table hospitalière de l’hôtel des Moines. Ce nom de Moines me remémore le scénario fou, la pièce extravagante que Nina avait composée en collaboration avec Richepin, je crois, et Germain Nouveau,