Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/172

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poètes, monologuistes, acteurs ou chanteurs, pianistes ou violoneux.

La chose, ainsi présentée, a l’air d’être d’une simplicité auguste. Hélas ! hélas ! ce n’était pourtant point une sinécure !

Les musiciens voulaient accaparer l’attention, tandis que les poètes échevelés et trépidants supportaient avec peine les gammes chromatiques parfois encombrantes ; les monologuistes gais avaient en horreur les poètes flous et historiés de constellations ; tandis que les politiciens de l’assemblée s’indignaient moult qu’on ne discutât point sur les droits de l’homme ; les patriotes en voulaient à la sonate allemande, et les pianistes exaspérés auraient dévoré volontiers deux ou trois patriotes. Les fumistes, ayant à leur tête le redoutable Sapeck, ne songeaient qu’à se gausser de tout, tandis que des hiérarques convaincus poussaient le bureau présidentiel à tenir haut et ferme le drapeau de l’art. C’était une série de conflits intestinaux où le simple public se laissait prendre. Il y avait déjà la question des femmes : recevrait-on ou non les jeunes personnes, mariées pour quinze jours ou quinze heures à des membres de la Société ? De pudibonds et austères éphèbes