Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/221

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débite à ravir et qui ont tant de succès dans les salons et les concerts. Il est probable qu’une fois l’institution connue, d’autres artistes ne demanderont pas mieux que de se faire entendre, dans ce milieu très intelligent, tout ensemble et très sympathique.

Ces jeunes gens, au besoin, se pourraient suffire à eux-mêmes. Beaucoup sont poètes, je veux dire qu’ils font des vers. Il est tout naturel qu’on leur demande d’en lire… Ce nombreux auditoire vaudra mieux pour leur former le goût et les avertir de leurs défauts que ces petites chapelles soi-disant poétiques, où chacun passe Dieu à son tour, tandis qu’une demi-douzaine de thuriféraires lui donnent de l’encensoir par le nez, à charge de revanche. Ces étroites coteries gardent leurs fenêtres soigneusement fermées aux grands courants de l’opinion publique. Les initiés y respirent un air subtil et entêtant, où leur talent risque de s’étioler. Les raffinements précieux de ces ciseleurs de vers ne vont pas au grand public, et c’est pour cela que je ne suis pas fâché d’apprendre que nos jeunes poètes peuvent aujourd’hui lire, devant des auditoires nombreux, leurs productions nouvelles.

J’espère que beaucoup d’étudiants se feront agréger à ce club. Un jeune poète me faisait remarquer, non sans quelque amertume, que, parmi les étudiants en droit ou en médecine, il y en a, et des plus distingués, qui en sont encore, en fait de poésie, à la poésie classique, qui, depuis leur sortie de collège, n’ont rien lu que leurs livres de travail, ou, par-ci par-là, le roman du jour, et ne se doutent pas de la grande révolution que V. Hugo a faite dans le vers français, en ces trente dernières années.

N’y aurait-il pas quelque avantage à se joindre à