Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/251

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tant, demander une bougie à la concierge. Je fais le jour, un jour vague, promenant sur les meubles, le long des tentures, avec mon maigre luminaire, d’énormes ombres fuyantes, armées de fantômes noirs, seuls habitants de ce logis. Tolbecque s’assied, impassible.

Des pas dans l’escalier. Voici l’acteur Montbars, Coquelin cadet, Daubray… Leur étonnement se joint au nôtre, comme un coefficient, et le change en ahurissement. Encore des pas dans l’escalier. Voici des journalistes, des poètes, des chanteurs. Nous sommes vingt autour de l’unique bougie plantée sur un candélabre à cinq branches. La plaisanterie paraît forte ; mais on rit. Quelqu’un déniche dans une salle un panier de champagne. On trouve des verres. Sur une table, nous posons le candélabre et nous buvons. Et toujours des pas dans l’escalier… Quarante personnes maintenant. Vivien, triste d’abord, se tord de rire ensuite.

Un pas rapide… Ah ! je saisis Gabriel R… dans l’antichambre. Quoi qu’y a-t-il ?

— …Passé au jeu la journée ! oublié l’heure ! Perdu ! regagné ! reperdu ! tout perdu !

— Tout ? Oh !