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Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/257

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rière-pensée de fonder un phalanstère. Il s’ouvrit à moi, j’approuvai hautement ce projet : l’association, il n’y a que cela. Deux pauvres sont plus forts en s’unissant, et une dizaine de pauvres sont énormes et influents. Tel était notre raisonnement. Nous étions déjà deux pannés, nous n’eûmes pas à aller bien loin pour en découvrir huit autres, dont une femme, Marylka la Polonaise. Dans un phalanstère, une femme est indispensable : la cuisine et le ravaudage. Le bon blanquiste B.....l était locataire d’un sixième, rue Catherine-d’Enfer (elle doit s’appeler autrement aujourd’hui, peu importe). À part le jeune étudiant Br… qu’on surnommait le Pacha, parce que son père était ingénieur à Constantinople, à part ce pacha, qui voulut absolument être adjoint-cuisinier, afin d’aider Marylka dans l’épluchage des légumes, on tira les autres fonctions domestiques au sort. Le destin me désigna comme laveur de vaisselle. Je ne me sentais, je l’avoue, aucune vocation ; mais je dus obéir. Le premier jour, je mis un certain zèle ; puis je me relâchai, on constata avec amertume que les assiettes, les plats, les fourchettes — sauf ceux et celles que je me réservais — ne brillaient