Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/258

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pas absolument. Mon égoïsme froid fut sévèrement jugé, et je fus privé de légumes. Je me moquais des légumes à cette époque. Ensuite on me priva de tout, hormis le pain. Je me résignai plus difficilement. Alors j’imaginai un stratagème. Feignant une faiblesse, bien naturelle dans un phalanstérien si mal nourri, et une maladresse d’anémique, je brisai trois ou quatre assiettes en les lavant, et cassai quelques verres. Ce fut fini ; on me chassa de l’office, et on me mit… au charbon. Cela consistait à aller quérir chez l’Auvergnat les combustibles variés. Je n’avais qu’un chapeau haut-de-forme pour ces expéditions, et ce devait être un singulier spectacle, lorsque je passais, mon seau à la main, et des fagots sous le bras.

Le Pacha et la Polonaise ne s’entendaient plus du reste pour confectionner les repas. Il fut convenu qu’ils auraient chacun leur jour. Or, quand c’était la Polonaise qui était de service, le Pacha affectait de ne point manger, trouvant tout exécrable ; la Polonaise, à son tour, jeûnait, quand le Pacha cuisinait. C’était effrayant !

Ce phalanstère finit par se dissoudre sous le poids des dettes. L’association n’est peut-être