Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/27

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Et je l’aimais ce Paris ! Ses rues et boulevards, ses énormes édifices, ses squares, ses Champs-Élysées, ses arbres malingres, ses omnibus, ses stations de fiacres ! Les couleurs dont le soleil ou le gaz revêtent chaque détail dans ce prestigieux ensemble, ou encore la grisaille violette que jette le brouillard frais et onctueux sur le tableau sans cesse renouvelé, sur le kaléidoscope des êtres et des choses. Et, aussi, je vénérais le bruit parisiaque — grondement d’orage, murmure de forêt, plainte d’Océan — qui perpétuellement secoue l’atmosphère. Et, encore, j’adorais la joie de l’imprévu, le chassé-croisé des femmes à froufrous, les folies des vitrines en atours, les pavés que l’on éparpille ou qu’on tasse, la maison qu’on jette à terre, celle que l’on dresse vers le ciel à grands renforts de charpentes, qui de loin ressemblent à de gigantesques filets, et, de plus loin, à des dentelles.

L’amour de Paris, avec sa Seine joyeuse ou morne, fumée de bateaux-mouches dessus, et, dessous, terrible roulement de corps qui se cognent aux piles des ponts.

Ah ! la belle vocation de badaud badaudant, de naïf Méridional amusé de rien, et qui trou-