Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/38

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descendîmes, et, dans le plus prochain café, nous allâmes disserter sur les destinées de la poésie moderne.

Edmond Nodaret était un chétif employé dans mon genre ; seulement il pointait dans les contributions directes. Adelphe Froger, mineur encore, devait, à sa majorité, toucher une assez belle somme : — ô joie ! — il la devait consacrer à la littérature… et jeter dans la poésie — ô gouffre — la sueur accumulée de ses pères.

C’était un jeune homme épris d’art ; ses vers, qui ne marquaient pas une extrême originalité, valaient autant, mieux que bien d’autres, et un bon juge en pareille matière, Catulle Mendès, ne tarda pas à le lui prouver en partageant avec Froger le titre de rédacteur en chef de la République des Lettres. On fonda — la Renaissance étant morte — une nouvelle revue, sérieuse celle-là et vraiment artistique dont le souvenir n’est point perdu ; car elle abrita l’Assommoir de Zola, exilé de partout alors. Néanmoins elle mourut aussi, après résistance, mais elle mourut.

La vie bohémienne des littérateurs jeunes est pleine de rires, de chansons, sous lesquelles