Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/67

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redormait une heure, pour se lever ensuite définitivement, et aller vaquer aux occupations mesquines et lucratives qu’impose aux jeunes littérateurs la misère des débuts. Tout le jour, donc, Paul Bourget, non plus Balzacide, mais licencié ès lettres, enseignait le latin et le grec à des aspirants au baccalauréat ; il versait en des crânes rebelles l’antiquité tout entière, et prenant, sans doute, à ce métier de Danaïde, un certain dégoût pour les ancêtres, se rafraîchissait le soir en plein modernisme.

Mais, hélas ! en la société des jeunes compagnons, il était vite lassé, s’endormant de fatigue et ne pouvant plus vivre qu’à la condition expresse de se coucher à huit heures du soir pour se lever à trois heures du matin. Les feuilles de papier blanc, posées en tas sur sa table de travail, l’appelaient au fond de la rue Guy-de-la-Brosse ; à la fin du repas, au moment où le moka turco-grec fumait dans sa tasse, le grand bol plein de café froid, destiné à le réveiller vers trois heures du matin, semblait lui dire : « Viens avec nous ! laisse donc ces gens qui épuisent en discussions stériles, en éloquence fugitive, en diagnostics et pronostics d’avenir, la chère heure présente ; viens avec