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Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/72

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profond d’une modernité spéciale que le poète d’Edel devient dandy. Il faut à sa pénétrante analyse, l’étude d’âmes plus compliquées, plus alambiquées, plus contournées que celles des naïfs qui montrent leurs passions au soleil, comme Vénus, impudiquement, laisse voir son torse ; il veut vaincre la difficulté de pénétrer à travers l’étoffe, la doublure, le corsage et la fausse gorge jusqu’au cœur. Dores et déjà, il recherche les Énigmes. Nouvel Œdipe, il s’avance dans les steppes et les mirages mondains, pour interroger les Sphinges qui paraissent d’autant plus ambiguës en leurs réponses qu’il leur arrive souvent de n’avoir rien à dire.

Comme professeur de dandysme, Paul Bourget eut l’heureuse fortune de trouver en M. Barbey d’Aurevilly un maître. Voici le portrait que le jeune poète traça du vieux lutteur :

.....Le grand maître
D’abord, Jean d’Altaï, le terrible, ce reître
Du feuilleton, pour qui la plume est un couteau :
Un aigle en cage usant son bec contre un barreau.
Moustache en croc, de la dentelle à sa cravate,
Sur son pantalon blanc une bande écarlate,
La rhingrave pincée à la taille, il a l’air