Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/88

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cipal rôle, puis quitta le théâtre où il était pour entrer dans un autre ; puis… puis… Il avait suffi que j’eusse appelé Saint-Germain compatriote, pour que la guigne s’attachât à nos projets : nul n’est prophète en son pays !

Montigny, qui avait lu la pièce, leva ses bras vers les frises, en se demandant comment on avait l’audace de traiter un pareil sujet. Il s’agissait d’un Fils de fille. Hélas ! sur ce même Gymnase, quelques ans plus tard, Albert Delpit a pu faire jouer le Fils de Coralie sans protestation ; et, ici ou là, telles audaces ont été tolérées que mon pauvre scénario, dormant dans un carton, me fait aujourd’hui l’effet d’une pastorale essentiellement vieux jeu.

Alors, je tombai dans la mélancolie. Le ministère des finances m’assommait, et la vie littéraire demeurait close. Aussi, ce fut la vie sans épithète qui me prit. J’allais, cueillant l’amour, ou ce qui ressemble à l’amour, le long des brasseries, dans les ateliers. Thamar fut la déesse de cette époque bizarre. Thamar s’appelait en réalité Joanna ou Nini, selon les milieux. Cette fille, d’un plastique irréprochable, avait été vendue toute petite à cet industriel spécial qui se nommait Gaetana de Marco, et qui