Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/92

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vers le milieu du second tercet, au lieu de dire ce qu’il avait écrit : la magique palette, sa timidité naturelle qu’il avait eu le grand tort de surmonter en l’occurrence, reprit le dessus, et faisant fourcher sa langue de néophyte, le força de prononcer : la pagique malette. Ce fut la fin. On se tordit. Cette vengeance d’Apollon contre un Marsyas de rencontre fut saluée par des applaudissements unanimes. Seul, Charles Frémine, conservant son sang-froid, attendit que le silence fût rétabli et déclara sobrement : C’est idiot !

Oncques, depuis, ce catéchumène des Muses ne se livra aux hasards de la diction.

Un soir, au petit entresol, Rollinat et moi, nous étions seuls. Nous devisions littérature, cheminant sur le terrain des confidences.

J’appris qu’il était le fils de maître Rollinat, le malgache de Mme  Sand ; que la grande romancière lui avait servi de parrain, et encouragé ses débuts ; que dans sa campagne berrichonne, sauvage et brumeuse, dans sa lande, parmi ses brandes, une peur effroyable saisit l’homme en face de la nature ; que les choses y prennent des aspects mélancoliques et fous ; il me récitait des rondels :