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Page:Gouges-comediens-demasques.djvu/12

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le commander ; mais il est de hasard, quoiqu’aussi beau, que neuf ; on le laisse pour six cents livres ; je n’avois que quatre cents livres sur moi ; j’étois impatiente de procurer à mon protecteur la jouissance de l’objet désiré ; les difficultés s’applanissent, et l’élégant ouvrage arrive incognito sur la console qui l’attendoit.

Lire dans nos plus secrètes pensées, saisir nos actions les plus occultes est un des attributs des dieux. Je fus devinée, applaudie, et j’obtins ma récompense ; l’excellent homme me promit que dans trois mois j’aurois un tour.

Trois mois, six mois, un an s’écoulent : « Patience, me répétois-je sans cesse, le dieu Molé a les yeux ouverts sur moi. Ayons soin seulement de ne pas trop le fatiguer de nos instances, et pour y faire diversion, présentons une pièce en un acte à la comédie italienne. »

J’avois composé Lucinde et Cardenio, ou le Fou par amour. M. Granger me conseilla d’étendre ce sujet. Il n’étoit qu’en un acte ; j’en devois faire trois. Ma démarche perça : le sieur Molé l’apprit : il me reprocha obligeamment mon infidélité, réclama les droits de la comédie françoise envers un auteur si bien accueilli par elle, et se fit fort de faire recevoir ma pièce