Page:Gouges - Description de la fete du 3 juin, 1792.djvu/16

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brassé un si mauvais parti ? oui, certes, la raison, les droits de la nature, et tout ce qui caractérise le jugement de l’homme, ne sont point dignes d’intéresser le sage. Mais voyez, voyez, dit-il, votre armée, vos citoyens ; point de chef, point de subordination, point de général, point de réunion de citoyens, et vous seriez perdus si nous l’avions déjà voulu ; nous avons pour nous la combinaison, la prudence et des soldats consommés. Je bouillois et je lui aurois donné volontiers un soufflet de bon cœur si je n’avois pas craint de justifier cette crannerie sur laquelle le ci-devant noble compte si fort ; mais, reprenant mon sang froid, je lui dis en le laissant, si l’insubordination est dans l’armée française, c’est un grand malheur ; si les citoyens ne se réunissent pas, sans doute c’en est encore un plus grand, toutes vos espérances sont fondées sur la dissension et la division ; mais si la réunion s’opère, vous vous regardez comme perdus : elle s’opérera, c’est moi qui vous l’assure. Il s’en fut en ricannant, et moi en haussant les épaules ! D’après cette conversation, guerriers mes concitoyens, songez que la victoire ne dépend entièrement que de la subordonnation de l’armée, et de l’harmonie du royaume ; et si nous la perdons, ce sera de notre faute. Nous serons dignes du mépris de la postérité, quand nous pouvons en être éternellement le modèle.

Marie-Olimpe DEGOUGES
À PARIS, de l’Imprimerie de la Société Typographique, aux Jacobins Saint-Honoré.