Page:Gouges - Sera-t-il roi (1791).djvu/13

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leur montrer le chemin de la gloire, leur apprendre que les hommes ne nous ont laiſſé que le moyen honteux de courir à la fortune aux dépens de notre honneur & de nos foibleſſes, tandis qu’ils parcourent une vaſte carrière ; & elle ne ſeroit ouverte que pour eux ? Quel abſurde préjugé ! d’où ſont ſortis tous les vices & la corruption de la Société & des Gouvernemens. Une femme bien née, j’appelle bien née, celle qui eſt douée des vertus de l’âme & du cœur, bien élevée, celle qui a reçu une bonne éducation ; eſt-elle ſans fortune, elle eſt trompée par un ſcélérat, & déshonorée ; en a-t-elle des enfans, elle ſe voit diſputer leur exiſtence, déplorables victimes du ſort & du préjugé, les créatures proſtituées qui ſe vendent au tiers & au quart ſont plus reſpectées que vous ! ſouvent dans l’eſprit d’un homme inconſidéré ; vous êtes confondues avec ces affreux modèles, mais j’en ai dit aſſez, Meſſieurs, dans une feuille ſans conſéquence, j’attends de vous donner mon ouvrage ſur cette matière, intitulé l’Ami des Femmes. En attendant, voici le projet de ma Garde Nationale ; projet que j’ai fait paſſer à pluſieurs Membres de l’Aſſemblée, au Club des Jacobins, & de la Société fraternelle, en manuſcrit, le même jour qu’on a reçu les nouvelles de l’arreſtation du Roi. En même temps je vous fais l’hommage de l’édition de Mirabeau aux Champs Elyſées, comme j’ai fait de toutes mes productions. Si les méchans me reprochent que je me ſuis ruinée pour de la fumée, pour l’Aſſemblée Nationale qui ne m’en tiendra jamais compte, la récompenſe eſt déjà dans mon cœur ; j’ai travaillé pour la Patrie : & peut-être la poſtérité m’en ſaura gré.