Page:Gouges - Zamore et Mirza - 1788.djvu/100

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nuancée, comme dans tous les animaux que la Nature a produits, ainſi que les plantes & les minéraux. Pourquoi le jour ne le diſpute-t-il pas à la nuit, le ſoleil à la lune, & les étoiles au firmament ? Tout eſt varié, & c’eſt-là la beauté de la Nature. Pourquoi donc détruire ſon Ouvrage ?

L’homme n’eſt-il pas ſon plus beau chef-d’œuvre ? L’Ottoman fait bien des Blancs ce que nous faiſons des Nègres : nous le traitons cependant pas de barbare & d’homme inhumain, & nous exerçons ſa même cruauté ſur des hommes qui n’ont d’autre réſiſtance que leur ſoumiſſion.

Mais quand cette ſoumiſſion s’eſt une fois laſſée, que produit le deſpotiſme barbare des habitans des Iſles & des Indes ? Des révoltes de toute efpèce, des carnages que la puiſſance des troupes ne fait qu’augmenter, des empoiſonnemens, & tout ce que l’homme peut faire quand une fois il eſt révolté. N’eſt-il pas atroce aux Européens, qui ont acquis par leur induſtrie des habitations conſidérables, de faire rouer de coups du matin au ſoir ces infortunés qui n’en cultiveroient pas moins leurs champs fertiles, s’ils avoient plus de liberté & de douceur.

Leur ſort n’eſt il pas des plus cruels, leurs travaux aſſez pénibles, ſans qu’on exerce ſur eux, pour la plus petite faute, les plus horribles châtimens. On parle de changer leur ſort, de propoſer les moyens de l’adoucir, ſans craindre que cette eſpèce d’hommes faſſe un mauvais uſage d’une liberté entière ou ſubordonnée.