Page:Gouges - Zamore et Mirza - 1788.djvu/99

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rien n’étoit plus tendre. Il me ſemble qu’il ajoutoit à l’intérêt de ce Drame, & c’étoit bien de l’avis de tous les Connoiſſeurs, excepté les Comédiens. Ne nous occupons donc plus de ma Pièce, telle qu’elle a été reçue. Je la préſente au Public.

Revenons à l’effroyable ſort des Nègres ; quand s’occupera-t-on de le changer, ou du moins de l’adoucir ? Je ne connois rien à la Politique des Gouvernemens ; mais ils ſont juſtes, & jamais la Loi Naturelle ne s’y fit mieux fentir. Ils portent un œil favorable ſur tous les premiers abus. L’homme partout eſt égal. Les Rois juſtes ne veulent point d’Eſclaves ; ils ſçavent qu’ils ont des Sujets ſoumis, & la France n’abandonnera pas des malheureux qui ſouffrent mille trépas pour un, depuis que l’intérêt & l’ambition ont été habiter les Iſles les plus inconnues. Les Européens avides de ſang & de ce métal que la cupidité a nommé de l’or, ont fait changer la Nature dans ces climats heureux. Le père a méconnu ſon enfant, le fils a ſacrifié ſon père, les frères ſe ſont combattus, & les vaincus ont été vendus comme des bœufs au marché. Que dis-je ? c’eſt devenu un Commerce dans les quatre parties du monde.

Un commerce d’hommes! .... grand Dieu ! & la Nature ne frémit pas ! S’ils ſont des animaux, ne le ſommes-nous pas comme eux ? Et en quoi les Blancs diffèrent-ils de cette eſpèce ? c’eft dans la couleur .... Pourquoi la Blonde fade ne veut-elle pas avoir la préférence ſur la Brune qui tient au mulâtre ? Cette ſenſation eſt auſſi frappante que du Nègre au Mulâtre. La couleur de l’homme eſt