Page:Gounod - Mémoires d’un artiste, 1896, 3e éd.djvu/345

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nous emporte aussi loin dans la douleur que dans la joie : les Thabor et les Golgotha sont solidaires. Le bonheur n’est pas dans l’absence des souffrances, pas plus que le génie ne consiste dans l’absence des défauts.

Les grands génies souffrent et doivent souffrir, mais ils ne sont pas à plaindre ; ils ont connu des ivresses ignorées du reste des hommes, et, s’ils ont pleuré de tristesse, ils ont versé des larmes de joie ineffable ; cela seul est un ciel qu’on ne paye jamais ce qu’il vaut.

Berlioz a été l’une des plus profondes émotions de ma jeunesse. Il avait quinze ans de plus que moi ; il était donc âgé de trente-quatre ans à l’époque où moi, gamin de dix-neuf ans, j’étudiais la composition au Conservatoire, sous les conseils d’Halévy. Je me souviens de l’impression que produisirent alors sur moi la personne de Berlioz et ses œuvres, dont il faisait souvent des