— Alors papa habite chez le bon Dieu ; pourquoi ne m’a-t-il pas emmenée, alors ?
— Parce qu’il faut aller consoler ta grand’mère, qui est toute seule à la Roche-aux-Mouettes.
— J’aimerais mieux rester ici à l’école avec mes amies.
— Écoute, Michelle, tu es bien jeune pour me comprendre, mais tu es très intelligente, tu as déjà suivi le catéchisme, eh bien, tu sais qu’on ne va pas chez le bon Dieu sans l’avoir mérité, n’est-ce pas ? Qu’il faut pour gagner le bonheur à venir, le préparer sur cette terre ? Tu le gagneras, toi, en étant douce et sage, en aimant bien ta grand’mère.
— Je l’ai jamais vue, ma grand’mère ; papa disait que c’était une grande dame très solennelle.
— Elle est bonne, va avec confiance vers elle, et si tu es embarrassée en route, prie ton ange gardien, il t’aidera. Voici un petit panier et quelques provisions. Adieu, ma pauvre enfant. »
Le bon curé s’éloigna le cœur serré, l’œil noyé d’une larme d’infinie pitié pour cette détresse d’un petit être innocent, orphelin, sans autre appui qu’une vieille aïeule presque également faible. Mais il éleva son âme, se reprochant à l’instant même son émotion :
« Non, se dit-il, Dieu n’abandonne pas ceux qui comptent uniquement sur Lui, parce que ceux qui n’ont rien que Lui ont tout. »