La marquise de Caragny avait éprouvé un rude choc de ces malheureux événements ; elle avait longuement gémi dans la petite église de Saint-Enogat ; puis un soir, comme le soleil couchant entrait dans la mer pour y passer la nuit et en ressortir au jour de l’autre côté de la baie, elle s’assit un instant au sommet de sa Roche-aux-Mouettes, sous le calvaire de granit bleu, et là elle eut clairement la vision de sa faute…
« Oui, se dit-elle, j’ai agi follement, j’ai bâti sur le sable mouvant le bonheur de ma fille ; quand les bases qui doivent soutenir l’édifice ne sont pas égales, l’édifice vacille, puis, au premier souffle un peu fort, s’écroule. Cette union disproportionnée n’a amené que des malheurs. J’ai voulu consolider, j’ai détruit. Cette enfant qu’on m’envoie, que sera-t-elle ? À coup sûr une lourde charge pour moi, qui ne suis plus guère d’âge à me plier au degré de l’enfance, à entreprendre une éducation. Mal élevée sans doute, ma pauvre petite-fille a trop vécu abandonnée de ses parents malades et découragés tous deux. On l’a mise à l’école communale laïque ! Seigneur, faites qu’il ne soit pas trop tard, ni trop difficile à moi de former ce cœur, d’y faire germer le dévouement, l’amour et le sacrifice. »
Quand elle eut longuement rêvé, la vieille marquise se leva très droite, toujours très fière, elle portait haut le poids d’un grand