Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/132

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jour entier ainsi, l’étiquette lui interdisant d’adresser le premier la parole au souverain.

À la fin, de la cour, un bruit de sonnerie s’éleva et le maître tressaillit. Ses yeux rencontrèrent soudain ceux de l’officier.

« Ah ! vous êtes là, colonel, bien. Je vous ai fait venir, j’ai besoin de vous. Êtes-vous prêt à partir ?

— Je suis aux ordres de Votre Majesté.

— Je ne vous donne aucune lettre de créance, comte ; vous irez à Paris parce que votre bon plaisir vous y appelle ; vous irez en touriste pour visiter la place, les forts environnants, les détails des effectifs. Suis-je compris, Hans Hartfeld ? »

L’officier s’inclina.

« Si je ne me trompe, Votre Majesté me charge d’une mission occulte.

— Précisément, et de confiance. Il faut pour ce poste un homme du monde, intelligent, aimable, sous des dehors légers…

— Votre Majesté croit que je suis cet homme-là. Sire, j’en doute moi, je ne suis ni souple, ni insinuant, ni…

— Vous avez épousé une Française, à vous plus qu’à tout autre ce rôle convient ; vous n’inspirerez aucune défiance. »

Hans rougit violemment ; sa main se crispa sur son sabre, cependant il se contint et dit avec calme :

« Est-ce une offre ou un ordre, sire ?

— Un ordre, colonel ; j’ai besoin en ce moment de tous mes serviteurs. De grands événements se préparent. Allez. Mon secrétaire vous donnera la clé d’une correspondance chiffrée. »

Le roi tendit la main à l’officier. Celui-ci s’inclina, posa ses lèvres sur cette main, et sortit accablé de remords, de honte, de douleur.

Machinalement, il suivit la promenade