Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/131

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pour se passer au besoin de celle des autres. Ce que vous ferez, ce que vous devez faire, c’est servir votre pays de quelque manière qu’il vous le demande.

— Irai-je donc en ami dans un milieu dont il me faudra ensuite dévoiler les secrets ? Inspirerai-je confiance à des gens pour trahir ensuite leur parole ?

— Vous avez des mots malheureux, Hans, inutiles aussi ; rien de déshonorant ne peut venir de ce qui honore la patrie. Comment notre roi fera-t-il la guerre, si tous les renseignements lui manquent ? si ses autres sujets sont pusillanimes comme vous ? Non, vous ne comprenez pas à quel point le maître vous estime, frère, et cela à cause de cette Française que vous avez amenée chez nous, de cette graine d’espionne et de trahison.

— Chut, Edvig, encore vous dépassez le but. Souvent, ma sœur, vos flèches portent trop loin et m’atteignent au cœur. Une peine profonde accable ma femme en ce moment, ne l’attaquez pas quand elle souffre et est absente. »

Sur ces mots, le comte sortit. Ce qu’il était venu chercher près de sa sœur, un avis et un éclaircissement de conduite, il ne l’emportait pas ; un peu moins de partialité l’eût fait apercevoir qu’il en était souvent ainsi.


VI


Le roi, assis dans son fauteuil de cuir, le front dans sa main, rêvait, accoudé sur sa table de travail. Le grand chancelier venait de sortir et, malgré l’introduction de Hans Hartfeld, qui se tenait debout sans bouger, le roi ne bronchait pas. Un pli creusait son front ; évidemment très grave était sa préoccupation. Distrait, il remuait des papiers que ses yeux fixaient sans les lire.

Le comte attendait… il eût attendu le