Le marin obéit, gêné toujours en face de la noble dame.
« Approche mon enfant, fit la marquise, s’adressant à Michelle.
— Où est ma grand’mère ? demanda l’enfant intimidée.
— C’est moi. »
L’enfant eut un mouvement comme pour s’élancer dans les bras de celle qui lui parlait, mais elle se retint.
« Qu’as-tu ? demanda la marquise, allons, parle, dis ta pensée ?
— Je pensais, répondit la petite fille décidée, que ma grand’mère serait comme celle à Marthe Eupin, la fille au marchand d’huîtres.
— Qu’est-ce que tu dis ?
— Quand Marthe rentrait de l’école, sa grand’mère la prenait sur ses genoux, l’embrassait, puis elle lui donnait deux sous pour acheter un croissant. »
La douairière, au lieu de répondre, regardait l’enfant, attentive, examinant cette physionomie ouverte, expressive, aux yeux roux dorés, aux lèvres fraîches et rieuses, et elle n’y retrouvait rien des de Caragny. Hélas ! jointe à ce physique, la façon de s’exprimer, l’éducation première si visiblement négligée, lui déplaisaient amèrement.
L’aïeule poussa un profond soupir de déception. Elle attira l’enfant vers elle :
« As-tu apporté quelques vêtements ma fille ?
— V’là le baluchon, répondit Michelle, montrant le maigre paquet déposé par Lahoul dans un coin.
— Sais-tu lire ?
— Plus souvent que je sais lire !
— As-tu faim, petite ?
— Pardi, depuis Paris que je me trimballe ; pour sûr que j’ai faim. On boulotte mal dans le train.