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Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/194

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Michelle, heureusement dans la pièce voisine, n’avait rien entendu ; mais, en sortant de sa chambre, elle se croisa avec une civière, sur laquelle un pauvre Français agonisait, et elle cacha sa tête dans ses mains, avec des sanglots de désespoir.

Une femme, déjà près d’eux, leur prodiguait des soins ; Michelle reconnut Mme Freeman, la propriétaire de l’immeuble, déjà entrevue le jour de son premier passage au château de Lomont. Elle s’approcha de l’Alsacienne :

« Madame, laissez-moi vous aider, je suis de France aussi. »

L’autre femme la regarda avec une infinie tristesse :

« Le mal est immense, ces mourants sont le reste d’une vaillante troupe sur laquelle je comptais pour reprendre notre village. Mon fils est parmi eux, il a les jambes brisées. Là, dans la cour, sont les prisonniers. Voyez avec quelle cruauté on traite les vaincus, en attendant leur expédition dans une forteresse. »

Michelle regarda.

Un petit groupe de soldats couverts de sang et de poussière se tenait immobile dans un coin. Autour d’eux, des sentinelles prussiennes, fusil chargé, allaient et venaient. Un amas d’armes françaises, arrachées aux prisonniers, se voyaient à quelques pas.

Au moindre mouvement des vaincus pour fuir, les soldats allemands avaient ordre de tirer sur eux sans merci.