Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/196

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l’étancher ; sans moi, sans ma faiblesse insensée à votre égard, ce matin, ces jeunes gens ne seraient ni battus, ni blessés… Assez, retirez-vous, Madame, votre vue me fait mal.

— Mais, qu’ai-je fait ? »

Il leva sur elle ses yeux éteints, creusés d’une incroyable douleur :

« Oui, dit-il, maudite soit l’heure où je vous ai connue. »

Michelle tourna sur elle-même, comme prise de vertige et s’enfuit épouvantée.

Mais il avait raison. En effet, c’était elle qui avait causé la défaite des siens, de ses Français.

Alors, elle courut se jeter au fond de la chapelle, sous le grand Christ de l’abside, où elle pleura, pleura…

Quelques jours s’écoulèrent. Hans allait mieux. Il comptait repartir. Sa plaie cicatrisée était horrible, mais à peine douloureuse.

Toutes les instances demeuraient vaines. Il voulait rejoindre son corps en marche sur Paris.

« Partez, dit-il à Michelle, le convoi des prisonniers blessés sera dirigé sur Rantzein où Edvig a installé une ambulance. Vous profiterez de l’escorte. Je vous confie au lieutenant Pilter, qui m’est dévoué. »

Ceci organisé, le général partit, suivi des officiers guéris et capables de retourner au combat.

Le voyage de la triste colonne des prisonniers blessés s’effectua sans trop de peine, cependant. Ils étaient, le mieux possible, installés dans des voitures d’ambulance et souffraient, d’ailleurs héroïquement, sans se plaindre. Michelle était devenue une vraie Sœur de Charité ; elle se prodiguait envers tous, s’efforçant d’alléger tant de misère, s’effaçant, dès que la reconnaissance voulait se manifester. Ce qui lui était le plus horrible, c’était le supplice de la rancune de Georges