Dieu, mère ; tante Edvig nous conduit au temple et noue répétons après le pasteur :
« Christ, fais-nous vaincre nos ennemis, donne le succès à notre cause, qui est la tienne ; fais triompher toujours nos armes.
— Regarde, mère, dit Heinrich, tante Edvig m’a habillé en homme, elle m’a fait faire un costume de cuirassier blanc. »
Le petit garçon était monté debout sur le coussin de la voiture, et sa mère remarquait, pour la première fois, ce bébé de trois ans, charmant, sous son joli vêtement de drap d’officier, avec boutons chiffrés de l’aigle aux ailes éployées. Il était si joli ainsi, avec ses yeux tendres, qui n’avaient rien de guerrier, que sa mère, malgré sa douleur cuisante, eut un vague sourire d’orgueil.
Tout différent étaient le regard étincelant de Wllhem, son allure décidée, sa voix de commandement. Michelle comprit que, dirigés par leur tante, ses enfants lui échappaient ; mais que faire ? Hélas ! dans cette lutte gigantesque, elle était vaincue, elle aussi, vaincue comme sa nation… mais cependant, malgré l’épreuve actuelle, au fond de son âme douloureuse, restait la croyance sainte des chrétiens et des forts. Dieu châtie les siens, il ne les abandonne pas. Avec sa prière, avec sa douceur résignée, la faible créature qu’était Michelle avait plus de puissance que la grande et redoutable Edvig.
Le cortège arrivait au château. La voiture s’arrêtait au bas du perron, les enfants s’élançaient, tenant leur mère par la main et criant :
« Tante Edvig ! »
La belle-sœur de Michelle parut aussitôt. Un tablier blanc d’infirmière tranchait sur sa robe sombre. Elle embrassa la femme de son frère avee un peu d’émotion.
« Comment va-t-il ?
— Bien, grâce à Dieu ; mais il a voulu repartir à toute force.