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Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/201

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pétait, criait, rageur, le menaçant de son fusil de bois, Minihic, énervé, saisit l’arme de l’enfant et la brisa sur son genoux.

Wilhem ne pleura plus ; mais il courut chercher un sabre dans le cabinet de son père et revint audacieux.

Le Breton attendait encore vibrant de l’insulte faite à ses compatriotes. Quand il vit la résolution du petit, qui sans peur attaquait un homme, il comprit la passion haineuse des races, et dans la crainte de céder à la tentation, de donner à l’enfant de sa maîtresse une leçon trop grave, se sentant incapable de se dominer, il s’enfuit.

Des valets avaient vu la scène, ils riaient, applaudissant le petit garçon, et Minihic, ne se contenant plus, se rua sur eux, donnant libre cours à sa rage, calmant ses nerfs dans la lutte. Ce fut une bousculade. Et quand l’infirmier rentra pour son service, meurtri, épuisé, Michelle eut un effroi :

« Qu’as-tu fait ?

— Ce que j’ai fait, je les ai rossés, les sales Prussiens. Ah ! si je pouvais les exterminer tous ?

— Chut ! Tu m’épouvantes, tu nous perds.

— À la fin, je n’en puis plus aussi, c’est chaque jour à recommencer les insultes. Je finirai par un malheur. Ah ! madame, si ce n’était pas vous ! »

De son lit, Georges Rozel suivait cette scène. Un peu de lucidité lui venait maintenant, à travers sa fièvre, il comprenait trop vaguement encore, pour avoir conscience de ce passé qui l’avait terrassé. Il se croyait le jouet d’un rêve. Il fit un sigue au jeune infirmier qui l’avait si attentivement soigné.

Minihic accourut.