fit rasseoir devant son assiette, tandis que Michelle, surmontant encore, à l’aide de l’incroyable énergie que toute sa vie elle avait dû montrer, la peine immense de son cœur, reprenait, regardant ses fils :
« Ma sœur, ne troublez pas ainsi la paix de leurs jours, à leur âge où l’on ne réfléchit pas. Laissez-les ignorer la haine. »
Mlle Hartfeld ne répondit pas. En effet, elle avait une grande affection pour ses neveux ; elle voulait pour eux honneur, bonheur et richesse. Ils étaient de son sang et elle s’appliquait sans cesse à oublier le mélange, à mettre en leur cœur des idées allemandes. La lutte d’influence la poussait trop loin. Jeunes ainsi qu’ils l’étaient, sans discernement, ils dépasseraient le but, courraient sur une pente où il fallait doucement marcher, et ils se briseraient peut-être, en arrivant au bas, en une chute décevante.
Non, elle devait se reprendre, se surveiller ; l’éducation des petits veut du calme, et elle n’agissait pas selon le devoir austère, en se laissant emporter par sa passion. Désormais, les repas deviendraient de silencieuses corvées.
XVI
Des mois se sont écoulés, la neige maintenant couvre la terre. Les petites lames se gèlent en effleurant la terre, des poissons restent pris dans ces pièges de glace, et Lahoul les recueille dans un filet.
Le brave marin a bien vieilli, il est inquiet ; un long message de son fils, arrivé on ne sait comment, après deux mois de date, lui annonce sa fuite de Rantzein, et le père pense, tout en pêchant. Il se récite chaque phrase de la lettre et la commente :