Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/252

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— Mesdames, interrompit Freeman, nous sommes sur un terrain brûlant…

— C’est juste. Faites-moi l’amitié de venir chez moi, Madame, j’ai une serre où tout est de notre patrie : la terre et les plantes ; je n’ai aucune fleur qui ne soit de notre Alsace, les simples pâquerettes, les camélias, les roses. Nous irons causer sur ce sol ami, j’ai tant de choses à vous dire.

— J’irai, répondit Michelle, quel jour ?

— Mais dès demain. »

Le général Hartfeld revenait vers sa femme, il aperçut l’isolement voulu qu’elle cherchait avec Mme Freeman et il vint droit à elle.

« Je désire partir, Michelle, veuillez prendre mon bras, » dit-il avec un froid salut à l’Alsacienne.

La jeune femme obéit, et quand ils furent seuls dans l’obscurité de la voiture qui les enlevait au trot rapide des chevaux, Hans dit d’une voix coupante :

« Je vous saurais gré de ne pas vous afficher avec les ennemis de notre gouvernement ni d’arborer des couleurs séditieuses. Il serait diplomatique… »

Elle mit doucement sa main sur celle de son mari, et souriant :

« Je ne suis ni ministre, ni député, et j’ai horreur de la diplomatie, qui est le mot joli dont on se sert pour exprimer le mensonge. Songez, mon ami, que vous êtes en ce moment hors de votre cadre de parade, et tout simplement avec une pauvre mortelle. »

Mais il s’entêta, agacé, parce que justement Edvig lui avait prédit cette amitié et aussi parce que, las d’une soirée officielle, sa tête le faisait cruellement souffrir. Depuis cette grave blessure, le comte Hartfeld était sujet