Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/273

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On le laissa entrer dans l’hôtel, on le laissa monter à l’appartement du mourant, mais quand Michelle voulut à sa suite pénétrer dans la chambre de son mari, elle trouva sa belle-sœur comme un mur devant la porte.

« Fuyez, vociféra-t-elle, fuyez avant qu’il ne soit mort, car, en vérité, après, je vous jette à la rue.

Éperdue, à demi-folle, Michelle obéit ; elle se sauva à la chapelle, où elle attendit le prêtre, et quand elle entendit la petite clochette annonçant son retour, elle alla vers lui :

« Ma fille, dit l’homme de Dieu, priez, vous n’avez plus de protecteur en ce monde.

— Il est mort ! et me croyant coupable… Il emporte dans l’éternité une pareille pensée !

— Les âmes dégagées des liens terrestres voient la vérité, ma fille, vous avez commis sans doute une grave imprudence, si ce n’est une faute, car tout le monde est contre vous à la maison.

— En effet, tout le monde est contre moi. Mon Père, donnez-moi donc l’absolution car, en vérité, je dois avoir commis un bien grand crime dont je n’ai pas conscience. Les Français jadis m’appelaient espionne, aujourd’hui les Allemands me donnent le même titre, que le divin Christ sur la croix daigne jeter vers moi un regard de miséricorde !… »

Quand la nuit fut tout à fait venue, le sacristain vint pour fermer l’église et vit sur une chaise une femme absorbée dans une muette contemplation. Il lui toucha l’épaule :

« On ferme, il faut sortir. »

Alors la femme se leva, et, d’un pas automatique, gagna la rue.