Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/272

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mort de votre mari ; fuyez dans votre pays maudit, fuyez avant que la justice allemande ne s’empare de vous. Ce dernier sacrifice de vous éviter la prison, je le fais à cause des enfants de mon pauvre frère qui paye de sa vie l’irréparable malheur de vous avoir connue.

— Je ne suis pas coupable, gémit Michelle, c’est à peine si je comprends ce dont on m’accuse, mais qu’importe, l’heure presse et il est une chose autrement importante à laquelle il faut songer. »

Le regard de Hans à ces mots eut une lueur d’espoir.

« Il faut, reprit la jeune femme appeler de suite un prêtre. Hans est depuis cinq ans un fervent catholique. »

Edvig eût un geste de rage à ces mots. Elle se tourna vers le mourant comme pour le prendre à témoin de ce nouveau mensonge, mais les paupières du malheureux s’abaissèrent par deux fois comme pour un assentiment. Mlle Hartfeld leva les bras au ciel avec un désespoir muet, tandis que le médecin regardait avec moins de dureté cette femme qu’on accusait, et dont l’unique préoccupation était, non de se défendre, mais de penser au salut de son mari. Aussi répondit-il à la question angoissée de Michelle.

« Peut-il parler ?

— Non, mais il comprend. Bientôt, ajouta-t-il tout bas, il ne le pourra plus, l’hémorrhagie gagne le poumon, hâtez-vous donc. »

Alors, la comtesse courut d’un trait, sans songer à sa toilette étrange, jusqu’à la chapelle où son mari et elle avaient coutume d’entendre la messe et de remplir leur devoir pieux. Le chapelain les connaissait tous deux, il était là par bonheur. En quelques minutes, il eut réuni le nécessaire pour les derniers sacrements, et il suivit hâtivement Michelle, accompagné de son clerc.